Le K Samka

Gros-Câlin est le premier livre de Romain Gary écrit sous le nom d'Emile Ajar. Ce texte nous montre l'énergie extraordinaire que Gary a déployée pour accomplir cette métamorphose, celle de changer de style d'écriture. Récit tragi-comique flamboyant sur la métamorphose et le besoin d'aimer, sur la perte d'identité et de repères, il fait sa mue en inventant cette façon de penser et de parler, comique et désespérée. Sans décor ni musique Jean-Quentin Châtelain met en scène et interprète ce texte de Romain Gary adapté par Thierry Fortineau (mort très jeune, il avait adapté le texte pour le théâtre et l'avait joué (Molière du meilleur acteur 2003). Seul en scène, sous le regard de son créateur lumière, Thierry Capéran, Jean-Quentin Châtelain propose une nouvelle création singulière, une version inédite et très épurée.

« Revisiter les monologues c’est mon désir aujourd’hui, recréer, après les avoir interprétés il y a une dizaine… une vingtaine d’années, des textes que j’avais découvert autrement, des auteurs que j’ai rencontrés différemment mais qui me sont essentiels Beckett, Gary, Cendras, Rimbaud... C’est ce que j’ai fait avec Premier amour et, je poursuis avec Gros-Câlin… A l’époque, nous avions reçu avec Bérangère Bonvoisin, qui avait mis en scène le spectacle, le prix du meilleur spectacle par la critique. Cette nouvelle création est une sonate personnelle … plus je vieillis, plus je suis conteur et, c’est un bonheur pour moi de manier la langue de ces auteurs, d’aller vers une épure ! Pas de décor, pas de musique, seul le texte, seuls les mots sonnent au plateau. C’est mon chemin… laisser les textes exister, laisser les textes m'habiter… et les donner …… à entendre… ».
Jean-Quentin Chatelain

Ce texte est merveilleux, il est aussi drôle que bouleversant. On nous y raconte une histoire abracadabrante, on nous parle de solitude et de désarroi, de courage aussi car ce Monsieur Cousin en a beaucoup de courage et de cœur. Au bureau, chez lui, il rêve. Il a besoin d'amour. Il en donne beaucoup. Mais ce qui est beau dans le récit tel que l'écrit Romain Gary, c'est que c'est sans pathos. Cousin décrit. A nous de comprendre.

Monsieur Cousin cherche à combler le vide de son existence, et s’éprend d’un python de 2m20 capable de l’enlacer tendrement. Mais la vie parisienne avec Gros-Câlin, le beau reptile, dont c'est l'époque de la mue, l'entraîne vers diverses aventures. Il vit à petits feux, furtivement enfoui au milieu infini de l’agglomérat du Grand Paris. Serré dans son deux-pièces immensément vide, il aime à se lover dans le moelleux de Gros-Câlin quand le cœur a le pleur gros et l’esprit la grise mine. Gros-Câlin s’allonge sur deux mètres vingt tout en tendresse, sans compter, quand il s’enroule amoureusement. C’est un python bien sûr. Monsieur Cousin l’a ramené d’un voyage en Afrique, bouleversé soudain au sortir de l’hôtel par la solitude du reptile. Modeste employé de bureau, il habite seul avec lui, sort prudemment, se fond dans l’anonymat, se révolte de temps à autre en toute discrétion, généralement dans l’abstention, et prend ses rêves pour des réalités, sans préméditation mais avec désarmante gentillesse. Il songe beaucoup à sa collègue de travail, Mademoiselle Dreyfus, et ses minijupes colorées… « Je suis un faible, je le dis sans me vanter. Je n’ai aucun mérite à ça, je le constate, c’est tout. On ne sait pas assez que la faiblesse est une force extraordinaire et qu’il est très difficile de lui résister. » remarque-t-il. Il a aussi le sens de l’observation et de la clandestinité.

Production : Le K Samka