Dans ses pièces courtes comme dans ses nouvelles, Tchekhov décrit des personnages qu’on est peu accoutumé à voir sur scène et qu’il fait vivre littéralement comme Daumier dans ses dessins : paysans, employés de banque, personnes endettées qui luttent dans un monde malade replié sur lui-même. Ils vivent tous dans l’univers finissant de la Russie du XIXe siècle, mais on a vraiment l’impression de les avoir rencontrés quelque part. Comme dans Chaplin, l’humanité des personnages est inséparable du burlesque. C’est une magnifique matière de jeu pour les comédien-nes.
Le projet de les porter à la scène a toujours été associé avec l’idée de les présenter dans des lieux singuliers qui n’ont pas forcément vocation au théâtre : tréteaux, places, châteaux, jardins, plein-airs, parvis, salles des fêtes… Le contexte actuel nous a incité à penser une forme légère, adaptable, et modulable dans sa durée. Nous voulons créer un spectacle de proximité, jouable aussi sur de grands plateaux, mélanger des comédiens de plusieurs générations, dans l’idée d’échange, de transmission et de solidarité avec ceux qui commencent ce métier.
Nous avons choisi trois pièces et deux nouvelles. Leur format court nous intéresse particulièrement. Tchekhov bien sûr y excelle. Elles s’adressent à un large public. Elles ont l’exigence et la profondeur de ses grandes pièces. La farce ici n’est pas ce que l’on croit. Bien sûr, elle induit le rire, cruel, mais finalement, elle montre les gens avec une infinie tendresse.
Pierre Pradinas